Première Mondiale : Pourquoi attendre Cannes va tuer votre court-métrage (La stratégie du suicide)

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C’est le scénario classique. Tu viens d’exporter la version finale de ton court-métrage. Il est beau, le son est mixé, l’étalonnage claque.

L’euphorie monte et l’ego prend le volant. Tu te dis : « Ce film, c’est pour Cannes. C’est pour Clermont. C’est pour Berlin. »

Alors tu prends une décision qui semble logique mais qui est en réalité catastrophique : tu décides de « geler » ton film. Tu ne l’inscris nulle part ailleurs. Tu refuses les « petits » festivals pour garder ton exclusivité, cette fameuse Première Mondiale que les festivals de Catégorie 1 exigent.

Spoiler : 8 mois plus tard, tu recevras une lettre de refus standardisée. Et ton film ? Il sera mort-né.

Chez Cinemads, on voit trop de réalisateurs sacrifier leur film sur l’autel de l’exclusivité. Voici pourquoi viser la Première Mondiale en France est (presque) toujours une erreur mathématique.

L’Arnaque de la « Première Française »

 

Il faut être lucide sur le marché français. La Première Mondiale est une exigence de très peu de festivals (Cannes, Berlin, Venise, Clermont pour certaines sections).

Le problème, c’est que l’accès à ces festivals est verrouillé.

Si tu es un réalisateur amateur, autoproduit, ou une jeune société de prod sans réseau, tes chances frôlent le zéro absolu. Ces places sont trustées par des films « validés par le système » :

  • Films pré-achetés par les chaînes TV (Canal+, Arte).

  • Films soutenus massivement par le CNC et les Régions.

  • Films portés par des sociétés de production installées depuis 20 ans.

Viser la Première Mondiale quand on n’a pas ce pedigree, c’est comme jouer au Loto en refusant d’aller travailler : tu mises tout sur une chance infime (moins de 1% de taux de sélection) et tu te prives de tout revenu réel (les sélections en festivals « normaux »).

Cas d’école : Le piège du Champs-Élysées Film Festival

 

Pour illustrer ce danger, prenons un exemple que je vois souvent : le Champs-Élysées Film Festival. C’est un super festival, très prestigieux. Mais il exige une Première Parisienne.

Le problème ? Paris et l’Île-de-France regorgent de festivals de courts-métrages dynamiques (Paris Courts Devant, Le Court en dit long, etc.).

J’ai eu le cas précis d’une réalisatrice qui a bloqué son film pendant des mois. Elle refusait systématiquement tous les festivals parisiens — même ceux qui voulaient sélectionner son film ! — uniquement par peur de se griller pour le Champs-Élysées.

Le résultat des courses ?

  1. Le Champs-Élysées Film Festival (dont la sélection est d’un niveau très élevé) n’a pas pris son film.

  2. Quand elle a voulu revenir vers les autres festivals parisiens, c’était trop tard ou le momentum était passé.

En misant tout sur une seule case improbable, elle a loupé une dizaine d’occasions de montrer son film au public parisien et aux professionnels locaux. C’est du gâchis pur et simple.

Le conseil Cinemads : Ne laisse pas ton ego dicter ta stratégie. Mieux vaut 20 sélections dans des festivals sympathiques qui feront voyager ton film, qu’un film « vierge » qui reste sur un disque dur.

[Lien suggéré : Voir notre article sur les Festivals « Pay to Win » et les pièges à éviter]

La « Mortalité Infantile » du film : Le piège de la 1ère année vide

 

C’est un point que j’explique souvent aux réalisateurs qui viennent me voir pour un [Audit de stratégie de festival] : un court-métrage a une durée de vie très courte.

Le cycle de vie standard d’un court-métrage, c’est 2 ans. 3 ans grand maximum.

  • Année 1 (L’Âge d’Or) : Ton film est frais. Il a l’étiquette « production de l’année ». C’est là que tu feras 70% de tes sélections.

  • Année 2 (Le Déclin) : Tu es en concurrence avec la nouvelle vague de films qui vient de sortir. C’est plus dur.

  • Année 3 (Les Miettes) : Ton film est considéré comme « vieux » par la plupart des programmateurs.

L’erreur fatale

 

J’ai déjà vu des réalisateurs, conseillés par des producteurs trop ambitieux, n’inscrire leur film qu’à 10 festivals « prestigieux » la première année. Résultat ? 0 sélection.

Ils reviennent me voir en Année 2 en disant : « C’est bon, maintenant on veut l’envoyer partout. » Sauf qu’il est trop tard. La dynamique est cassée.

C’est ce que j’observe même sur des films qui marchent bien. Prenons l’exemple de L’île (de Félicien Forest), un film que j’ai distribué. Il a fait une super première année avec une vingtaine de sélections. Mais dès la deuxième année, même avec un bon film, le rythme ralentit drastiquement.

Si tu passes ta première année à attendre une réponse de Cannes, tu as littéralement tué 50% du potentiel de carrière de ton film.

Le Mythe de la « Seconde Chance »

 

On entend souvent : « C’est pas grave, si Clermont me refuse cette année, je le renverrai l’année prochaine. »

C’est faux. Techniquement, tu as le droit. Dans la réalité, un film refusé une fois a encore moins de chances d’être pris l’année suivante. Les programmateurs cherchent de la nouveauté, des voix fraîches, l’actualité. Ils ne vont pas repêcher un film qu’ils ont (ou que leurs collègues ont) déjà vu passer il y a 12 mois.

[Lien suggéré : Voir notre article sur « Zéro sélection : qu’est-ce qui cloche avec mon film ? »]

La seule exception : La Première « Territoriale » (International)

 

Est-ce qu’il faut pour autant envoyer son film partout sans réfléchir ? Non. Il y a une nuance importante : L’International.

Contrairement à la France où l’on est obsédé par la « Première Mondiale », les festivals étrangers (USA, Royaume-Uni, Canada, Amérique du Sud) raisonnent souvent en Première Territoriale.

  • Un festival au Texas peut exiger une « Texas Premiere ».

  • Un festival à Londres peut demander une « London Premiere ».

Ça, c’est une stratégie viable ! Si un festival texan veut l’exclusivité, cela ne t’empêche pas d’envoyer ton film à New York, à Los Angeles ou à Toronto. Tu ne bloques pas la carrière de ton film, tu bloques juste une ville ou un état. C’est facile à gérer et ça ne met pas ton film en danger.


En résumé : Fais tourner ton film !

 

La distribution, c’est une course contre la montre. Chaque mois où ton film reste « en attente » d’une réponse prestigieuse est un mois perdu sur sa durée de vie.

Ne cherche pas le macaron « Cannes » à tout prix si tu n’as pas le réseau pour l’assurer. Cherche plutôt à ce que ton film soit vu, partagé et qu’il rencontre son public.

Tu es perdu dans les dates limites et les exigences de premières ? Tu as peur de faire une bêtise en inscrivant ton film trop tôt ou trop tard ?

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