Nikon Film Festival : Vos chances d’être finaliste sont de 1,8% (Pourquoi il vous faut un Plan B)
Nous sommes mi-décembre. Dans toute la France, des milliers de disques durs chauffent. Le montage des films pour le Nikon Film Festival touche à sa fin. L’excitation est à son comble.
Chaque réalisateur, chaque équipe, cultive secrètement le même espoir : « Cette année, c’est la bonne. On va être dans les 50 finalistes. »
C’est normal. Sans cet espoir, on ne ferait pas de cinéma. Le Nikon est un formidable moteur de création qui pousse des milliers de personnes à tourner. C’est une chance pour le court-métrage.
Mais en tant que distributeur, mon rôle est de troquer l’espoir contre des mathématiques. Et les chiffres du Nikon Film Festival sont brutaux.
Si votre unique stratégie de diffusion pour votre film repose sur le Nikon, vous jouez à un jeu très dangereux. C’est un peu comme miser l’intégralité de votre budget sur un seul numéro à la roulette.
Analysons ensemble les statistiques réelles de ce concours et, surtout, voyons pourquoi (et comment) d’autres festivals français offrent des opportunités mathématiquement bien plus favorables.
1. La douche froide : Les chiffres officiels
Regardons les données de la dernière édition (« Le Feu »). Elles sont publiques, mais on prend rarement le temps de les poser sur une feuille de papier pour calculer le ratio réel.
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Nombre de films inscrits : 2 772 films (Record absolu).
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Nombre de Finalistes : 50 films.
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Nombre de Grands Prix (Le Palmarès) : Environ 13 prix.
Sortons la calculette :
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Vos chances d’être Finaliste : 50 ÷ 2772 = 1,80 %
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Vos chances de gagner un Prix : 13 ÷ 2772 = 0,46 %
Le constat est sans appel : 98,2 % des participants vont perdre. Cela signifie que le 1er février, date de l’annonce des finalistes, 2 722 films seront « éliminés » de la compétition officielle.
Si vous n’avez pas prévu de budget ni de stratégie pour la suite, votre film a 98% de risques d’être cliniquement mort dans 6 semaines. C’est un risque énorme par rapport à l’énergie que vous avez investie.
2. Le Nikon vs Les « Vrais » Festivals : Le match des probabilités
Alors, est-ce que le Nikon est plus dur que les autres ? Pour le savoir, comparons ce taux de 1,8% avec d’autres réalités du marché du court-métrage.
Le Nikon vs Le « Haut du Panier » (Clermont-Ferrand)
Le Festival de Clermont-Ferrand est la Mecque du court-métrage. C’est le festival le plus sélectif de France.
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Inscrits : Environ 9 000 films (toutes compétitions confondues).
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Sélectionnés : Environ 160 films.
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Taux de sélection : ~1,7 %
Conclusion : Le Nikon Film Festival est statistiquement aussi difficile d’accès que le plus grand festival de court-métrage du monde. En participant au Nikon, vous entrez directement dans la « Ligue des Champions » en termes de concurrence, mais sans le prestige international immédiat d’une sélection à Clermont.
Le Nikon vs Les Festivals « À taille humaine » (La stratégie gagnante)
C’est là que la stratégie fait toute la différence. Si vous visez uniquement les mastodontes saturés, c’est bouché. Mais le tissu associatif français regorge de festivals dynamiques, sérieux, mais « à taille humaine », où la compétition est mathématiquement plus jouable.
Prenons l’exemple concret du Chouette Festival, un excellent festival en Occitanie. Les chiffres sont publics : ils reçoivent environ 900 films pour une sélection d’environ 80 courts-métrages (toutes catégories).
Faisons le calcul :
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Taux de sélection Chouette Festival : ~ 8,8 %
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Taux de sélection Nikon : 1,8 %
Le résultat est sans appel : vous avez presque 5 fois plus de chances d’être sélectionné au Chouette Festival qu’au Nikon.
Et c’est la même logique pour des festivals comme le Montpellier Indie Film Festival ou le Festival de Senlis. Ces événements reçoivent un volume de films plus gérable (souvent entre 600 et 800), ce qui maintient des taux de sélection autour de 5 à 7%.
La conclusion stratégique : Dans ces festivals, vous n’êtes pas un numéro noyé parmi 3 000 fichiers. En ciblant ces événements intermédiaires, vous multipliez mécaniquement vos chances d’être vu sur grand écran et de rencontrer du public.
3. La théorie du « Ticket Unique » vs le « Portefeuille »
Pourquoi est-ce si risqué de tout miser sur le Nikon ? C’est une question de volume.
Le Nikon, c’est un ticket de loto unique. C’est gratuit, c’est facile, mais vous n’avez qu’un seul tirage. Si le comité de sélection (qui doit visionner 2700 films en peu de temps !) passe à côté de votre film, c’est fini. Game Over.
La Distribution, c’est la diversification. Quand on construit une stratégie de festival chez Cinemads, on n’envoie pas le film à un seul endroit. On l’envoie à 30, 40 ou 50 festivals différents sur l’année.
C’est ce qu’on appelle la probabilité cumulée. Même si chaque festival individuellement est difficile, en tentant votre chance 50 fois dans des endroits ciblés, la probabilité statistique que votre film soit pris au moins une fois explose (souvent au-delà de 60-70% pour un bon film).
L’image boursière : Le Nikon, c’est comme mettre tout votre argent sur une seule action très volatile. Vous pouvez devenir riche (Grand Prix), mais vous risquez surtout de tout perdre. La distribution classique, c’est investir dans un fonds diversifié. C’est beaucoup plus sûr pour garantir une existence à votre film sur le long terme.
4. Le mythe de la « Visibilité Web »
On me répond souvent : « Oui, mais au Nikon, même si je ne suis pas finaliste, j’ai la visibilité sur le site web. »
C’est vrai. Mais analysons la qualité de cette visibilité. Le site du festival reçoit un trafic énorme, c’est indéniable. Mais avec 2 772 films en ligne, la « découvrabilité » de votre film est très faible. À moins d’avoir une grosse communauté sur les réseaux sociaux pour partager votre lien (ce que j’appelle la « mendicité de likes »), votre film sera noyé dans la masse en quelques jours.
En festival « physique » (même petit comme Senlis ou Montpellier), votre film est projeté sur grand écran. Les gens sont assis dans la salle. Ils ne peuvent pas zapper. Ils regardent votre œuvre jusqu’au bout. 100 spectateurs captifs dans une salle valent mieux que 500 clics distraits sur un lien web.
Conclusion : Préparez votre « Plan B » dès maintenant
Le 1er février, quand les résultats tomberont, il y aura 2 722 déçus. Ne soyez pas celui qui range son disque dur et passe à autre chose.
Si vous croyez en votre film, donnez-lui une seconde chance, mathématiquement plus favorable.
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Gardez un budget : Comme nous l’avons vu dans l’article précédent, sanctuarisez 100€ à 200€ pour l’après-Nikon.
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Ciblez large : Visez les festivals français « à taille humaine » et l’international.
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Ne le prenez pas personnellement : Avec 1,8% de taux de sélection, un refus ne veut pas dire que votre film est mauvais. Il veut dire qu’il y avait embouteillage.
FAQ : Vos questions fréquentes sur l’après-Nikon
Est-ce que le fait d’avoir été refusé au Nikon « grille » mon film pour les autres festivals ? Absolument pas. Les autres festivals ne consultent pas la liste des refusés du Nikon. Pour eux, votre film est une nouveauté. Chaque festival a son propre comité de sélection et ses propres goûts. Un film refusé au Nikon peut très bien gagner un prix ailleurs.
Puis-je envoyer la version avec le carton « Nikon » aux autres festivals ? Techniquement oui, mais ce n’est pas recommandé. Cela fait « recyclage ». Si vous avez le projet de montage, exportez une version « propre » (Clean) en retirant le logo Nikon au début et à la fin. Votre film aura l’air d’une œuvre indépendante et non d’un film de concours.
Mon film fait 2min20, est-ce trop court pour des festivals comme le Chouette Festival ? Non. Au contraire, les festivals adorent les formats très courts (moins de 5 minutes) pour rythmer leurs séances. Ne rallongez pas votre film artificiellement. Si le rythme est bon à 2min20, gardez-le !
Le Nikon demande l’exclusivité, ai-je le droit d’envoyer mon film ailleurs ? Le règlement du Nikon demande souvent une exclusivité de diffusion pendant la période du concours (janvier-février). Rien ne vous empêche d’inscrire votre film dans d’autres festivals pendant ce temps-là. Les processus de sélection prenant plusieurs mois, votre film sera projeté ailleurs bien après la fin de l’exclusivité Nikon.
Vous voulez augmenter vos probabilités de sélection ? Arrêtez de miser sur un seul cheval. 🚀 [Construisons ensemble une stratégie de distribution diversifiée pour votre film]