Nikon Film Festival : Simple exercice ou vraie opportunité ? (Le guide de survie pour l’après-concours)
C’est la grande messe annuelle du court-métrage en France. Une véritable effervescence créative. Comme chaque année, des milliers d’équipes s’activent pour boucler leurs 2 minutes 20 avant la deadline de janvier. On écrit, on tourne, on monte, souvent dans l’urgence, mais toujours avec passion.
Mais une fois le fichier envoyé… que se passe-t-il ?
J’ai voulu prendre la température de la communauté cette semaine. J’ai posé la question en story sur Instagram pour savoir comment vous, les créateurs, vous perceviez votre participation au Nikon Film Festival. Les résultats sont fascinants et très révélateurs de l’état d’esprit des réalisateurs :
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56% d’entre vous voient ça comme un projet sérieux, une vraie œuvre de cinéma avec des ambitions de carrière.
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44% considèrent que c’est avant tout un exercice, un « kiff », un moment pour tester une équipe ou du matériel sans pression.
Et vous savez quoi ? C’est une excellente nouvelle.
Il est très sain de considérer le Nikon comme un laboratoire. C’est souvent quand on lâche prise sur l’enjeu « carrière » qu’on est le plus créatif, le plus audacieux, le plus drôle. Le format imposé et la contrainte de temps sont des moteurs puissants pour l’imagination.
Cependant, j’ai un message urgent pour ces 44% (et même pour les autres) : Ne sous-estimez pas ce que vous êtes en train de créer.
Le danger de l’étiquette « exercice », c’est qu’elle sert souvent d’excuse pour négliger l’avenir du film. On se dit : « C’est juste pour rire, c’est juste pour le concours ». Résultat : on traite le film comme un brouillon. On le poste, on attend les votes, et le 1er février, si on n’est pas finaliste, le film part à la poubelle (ou reste à mourir doucement sur YouTube).
C’est un gâchis monumental. L’histoire du court-métrage est pavée de films de 2 minutes, faits « pour le fun », qui ont lancé des carrières internationales.
Dans cet article, nous allons voir comment transformer cet « exercice » en une véritable opportunité de distribution, et pourquoi vous ne devez surtout pas jeter votre disque dur après les résultats.
🎧 Pas le temps de tout lire ? Écoutez le récapitulatif ! J’ai généré une discussion audio via IA qui résume les points clés de cet article (la règle des 30€, les pièges du Nikon…). Idéal pour écouter dans les transports.
Le complexe des « 2 minutes 20 » : Faut-il tricher ?
C’est la question qui revient systématiquement lors des audits chez Cinemads post-Nikon. Le réalisateur s’assoit, un peu gêné, et demande : « Est-ce que je peux vraiment envoyer ce film en festival ? Il fait 2min20 pile, c’est grillé que c’est un Nikon. Les programmateurs vont le rejeter d’office, non ? »
Cette peur est tellement ancrée que certains réalisateurs tentent de « maquiller » leur film. Ils rajoutent artificiellement 30 secondes de plans d’ambiance au début, ou un générique de fin interminable, juste pour atteindre la barre des 3 minutes et faire « plus cinéma ».
Arrêtez tout de suite. C’est la pire stratégie possible.
1. Le rythme est roi
Un court-métrage, c’est avant tout une question de rythme. Si votre film fonctionne à 2 minutes 20, c’est qu’il a trouvé sa pulsation naturelle. En le rallongeant artificiellement, vous allez le diluer. Vous allez créer des « ventres mous ». Un programmateur préférera toujours un film intense, percutant et « cash » de 2 minutes, plutôt qu’un film de 3 minutes qui traîne en longueur juste pour cacher son origine.
2. L’origine n’est pas une honte
Croyez-vous vraiment que les programmateurs vivent dans une grotte ? Ils connaissent le Nikon Film Festival. Ils savent que des milliers de films sont produits dans ce cadre. Ce qu’ils jugent, ce n’est pas le contexte de production, c’est la qualité du résultat. Si le film est bon, s’il les fait rire ou pleurer, ils se fichent éperdument qu’il ait été fait pour un concours.
Mon conseil d’expert : Ne touchez au montage que si vous avez une véritable « Director’s Cut » à proposer. C’est-à-dire, seulement si vous aviez dû couper une scène essentielle à la compréhension ou à l’émotion pour rentrer dans les 140 secondes. Si ce n’est pas le cas, gardez la version courte. Elle est souvent plus efficace.
Oui, il existe un marché pour les « Très Courts »
L’autre idée reçue qui bloque les réalisateurs, c’est le format standard des festivals. On imagine souvent que pour être sélectionné à Clermont-Ferrand ou ailleurs, il faut faire un drame social de 18 minutes.
C’est faux. Le marché du « Micro-Short » (films de moins de 5 minutes) est dynamique et passionnant.
Pourquoi les programmateurs aiment-ils vos films de 2 minutes ?
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L’aération des programmes : Imaginez une séance de court-métrage d’1h30. Si on enchaîne quatre drames psychologiques de 20 minutes, le public sort épuisé. Le programmateur a besoin de films courts, percutants ou légers, pour faire des « respirations » entre deux œuvres lourdes. Votre film est ce petit bonbon indispensable à l’équilibre de la séance.
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Les festivals spécialisés : Il existe des festivals entièrement dédiés aux formats très courts. Le plus célèbre est le Festival Très Court International Film Festival, mais il y en a des dizaines d’autres dans le monde (au Canada, aux USA, en Espagne…).
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Les nouveaux écrans : Dans l’économie de l’attention actuelle, le format court est roi. Des plateformes, des diffuseurs télé (pour des inter-programmes) et même des salles de cinéma (en avant-séance) recherchent ce type de contenu.
Ne vous auto-censurez pas. Votre film a une place.
L’erreur fatale du budget : « Tout pour la Caméra, Rien pour la suite »
C’est le symptôme principal du « Film Kleenex ». Puisque l’inscription au Nikon est gratuite, les équipes partent du principe que la distribution le sera aussi.
On voit des productions dépenser des sommes folles pour le tournage :
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Location d’une caméra RED ou Alexa : 1500 €
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Optiques cinéma haut de gamme : 800 €
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Régie / Nourriture : 400 €
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Budget Distribution : 0 €
C’est un calcul terrible. Le jour où le Nikon se termine, si le film n’est pas finaliste, l’équipe est fauchée. Elle n’a même pas 20 euros pour inscrire le film ailleurs. Tout cet argent investi dans la belle image finit aux oubliettes.
Le Conseil Cinemads : Même si vous faites le film « pour le kiff », agissez en producteur avisé. Sur votre budget global, sanctuarisez une enveloppe de 100 € à 150 €. Mettez-la de côté. N’y touchez pas pour acheter des pizzas supplémentaires.
Si, une fois le montage fini, vous vous dites « Tiens, il est pas mal finalement », vous aurez les munitions pour inscrire ce « petit exercice » dans 5 ou 10 festivals ciblés. C’est ce tout petit budget qui fera la différence entre un exercice oublié et un début de carrière.
Le problème de la « Première » (YouTube vs Festivals)
C’est un point technique important qu’il faut aborder avec honnêteté. Le principe du Nikon Film Festival est la diffusion publique : votre film est disponible sur leur site (et souvent sur YouTube/Dailymotion) pour que le public puisse voter.
Or, vous savez peut-être que certains grands festivals (Cannes, Berlin, Venise…) exigent une Première Mondiale. Ils refusent les films qui sont déjà disponibles sur internet.
Est-ce que cela veut dire que votre film Nikon est grillé ?
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Pour les « Big 5 » (Cannes, etc.) : Oui, c’est probablement compromis. Mais soyons réalistes : un film de 2min20 fait dans le cadre d’un concours a statistiquement très peu de chances d’aller en compétition officielle à Cannes, même s’il est génial.
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Pour 99% des autres festivals : Ce n’est pas grave ! La majorité des festivals de courts-métrages, surtout ceux qui acceptent les formats très courts, sont beaucoup plus souples sur la règle de la première internet. Ils cherchent des films qui plaisent au public, pas forcément de l’exclusivité absolue.
Ne laissez pas cette règle de la « Première » vous paralyser. Le circuit des festivals est vaste et accueillant pour les films déjà vus en ligne, surtout s’ils ont eu un petit succès d’estime.
FAQ : Vos questions sur l’après-Nikon
Dois-je enlever le logo Nikon au début du film ? C’est préférable, mais pas obligatoire. Pour les autres festivals, il est plus élégant d’avoir un film « neutre ». Si vous avez le fichier projet, exportez une version « Clean » (sans le carton d’intro Nikon) pour vos envois futurs.
Est-ce que je dois faire un DCP pour un film de 2 minutes ? Si vous êtes sélectionné en festival, OUI. Même pour 2 minutes, le festival diffuse sur grand écran via un serveur cinéma. Le format mp4 ou mov ne suffit pas. La bonne nouvelle, c’est qu’un DCP de 2 minutes est très rapide à générer (et moins cher si vous passez par un labo).
Les sous-titres sont-ils obligatoires pour un film si court ? Absolument. Si vous voulez sortir des frontières françaises (et le marché du court est international !), vous devez sous-titrer votre film en anglais. Ne faites pas l’impasse là-dessus, même s’il y a peu de dialogues.
Conclusion : Soyez fiers de votre « Kiff »
Que vous soyez dans la team « Projet Sérieux » ou dans la team « Exercice », l’important est d’aller au bout de votre démarche.
Mais si le résultat dépasse vos espérances (et ça arrive souvent quand on tourne sans pression !), ne vous auto-censurez pas. Vous avez produit de la valeur. Vous avez créé de l’émotion. Votre film de 2 minutes 20 est peut-être la carte de visite qui vous permettra de rencontrer des producteurs, de gagner des prix, ou simplement de voir votre travail sur grand écran avec un public qui applaudit.
Laissez-lui une chance de voyager, c’est la plus belle récompense pour un exercice réussi.
Vous avez un « Très Court » qui sort du lot ? Vous ne savez pas quels festivals ciblés avec votre budget restant ? 🚀 [Discutons de la stratégie de diffusion de votre film Nikon]